C'est dans un restaurant traditionnel et particulièrement prisé du centre-ville de Nantes, Chez Maman, que j'ai eu l'occasion, pour vous, d'interview Michel Bouat.
Auteur de jeux vidéo sortis au début des années 80 sur ordinateur ZX81, grâce à la magie de Messenger, retrouvez ci-dessous ses anecdotes durant la période Loriciels :
[Blood] Bonjour Michel, pouvez-vous commencer par vous présentez ?
[Michel Bouat] En fait aujourd'hui je
suis un papy et pas un geek, j'ai 68 ans et j'ai écrit les programmes Traffic et Chevalier Arthur en 83 et 84 quand j'étais à Paris comme ingénieur EDF aux
services centraux après avoir débuté comme ingénieur de démarrage à la centrale
de Bugey en 1976. Ma femme était enceinte de notre troisième enfant et elle se
couchait tôt, ce qui a fait que j'avais de longues soirées à pouvoir bidouiller
sur mon ZX 81 qui a été mon premier "ordinateur".
A Paris j'ai
trouvé un livret en anglais qui présentait la structure interne du ZX81 et la
façon de le programmer en langage machine ainsi qu'un livre un peu plus gros
présentant les instructions de Z80.
[Blood] Comment en êtes-vous venu à vouloir faire des jeux ?
[Michel Bouat] J'ai commencé par écrire des sous programmes qui
permettaient de faire des animations. A l'époque, j'avais un voisin qui
travaillait sur les ferries avec l'Angleterre et qui avait aussi un ZX81 et qui
ramenait des magazines présentant des jeux. La conception des jeux était plus
pour moi une distraction je dirais technique.
En fait mon côté professionnel
n'était pas orienté informatique. Dans mes études j'ai eu l'occasion de
programmer en Fortran sur un IBM 1130. Début des
années 80, c'était aussi la période des jeux style Dungeons & Dragons, que je
trouvais aussi amusant.
[Blood] Traffic était donc votre premier jeu ? Comment est-il
né ?
[Michel Bouat] Je n'en ai écrit que 2 il faut dire que le stockage
des données sur bande magnétique n'était pas très performant et très long.
J'avais voulu faire une sorte de Frogger, il faut dire qu'il
n'y avait pas beaucoup de jeux en langage machine à cette époque mais la seule
solution si on ne voulait pas saturer rapidement la mémoire et conserver une
grande rapidité d'exécution.
[Blood] Quel âge aviez-vous ?
[Michel Bouat] 33/34 ans
ça a bien
changé, lol
[Blood] Une fois le jeu terminé, comment avez-vous contacté Loriciels ?
[Michel Bouat] J'avais vu sur Paris qu' 'il y avait Loriciels qui
venait de se créer il y avait peu de temps et je suis allé les voir (M.Bayle)
pour leur proposer Traffic un peu au hasard. A l'époque
il y avait surtout des jeux en basic.
[Blood] Ok, et alors, comment ça c'est passé, il vous a demandé
de changer des trucs ?
[Michel Bouat] Non ils l'ont pris directement sans modifs.
[Blood] Vous souvenez quel contrat vous a-t-il fait signer ?
Je veux dire, conserviez-vous les droits ?
[Michel Bouat] A l'époque je faisais ça pour le fun, je n'en avais
pas besoin pour vivre. On avait convenu du montant des royalties et
régulièrement ils me faisaient un chèque. Je ne me
rappelle plus du montant des rémunérations mais je crois me rappeler que les
2 jeux m'ont rapporté 1200 francs et quelques (368€) . Je pense même que j'ai dû payer des impôts dessus.
[Blood] Combien d'exemplaires.se sont écoulés ?
[Michel Bouat] Entre 500 et 1000 il me semble.
[Blood] Entre 500 et 1000 juste pour Traffic ?
[Michel Bouat] Pour les deux, en tout cas ça nous a permis à ma femme
et à moi de nous payer 2 blousons en cuir sur mesure !!!Après ils
disposaient d'un certain nombre de jeux sans rétribution.
[Blood] Jeux sans rétribution,
c'est à dire ?
[Michel Bouat] Ils distribuaient une cinquantaine de jeux sans me rétribuer je crois mais c'était dans le contrat. Au bout d'un
moment, les vents faiblissant, je pense que j'ai du abandonner les droits.
[Blood] Qu'entendez-vous par abandonner les droits ?
[Michel Bouat] Quand il n'y a plus de vente je n'en attendais plus
rien. C'était
quand même quelque chose d'artisanal et je n'étais pas auto entrepreneur.
[Blood] Ok, donc après Traffic il y a eu Chevalier Arthur, quelles sont
les inspirations cette fois-ci ?
[Michel Bouat] Arthur et
inspiré des jeux du moment qui apparaissaient : mélange d'arcade et d'aventure.
[Blood] Vous avez parlé de Dungeons & Dragons, c'est une
inspiration également ?
[Michel Bouat] Oui je m'intéressais à ce genre de jeu un peu par culture. Je pense qu'à l'époque mes sources
relatives à la culture D&D étaient entre autres les numéros spéciaux
de Jeux et Stratégie et des livres provenant de la boutique Descartes du quartier Latin.
[Blood] Que pouvez-vous me dire sur son développement, la
petite histoire derrière Arthur ?
[Michel Bouat] Comme j'ai dit, il y avait des séquences arcade mélangées à un circuit aventure avec des devinettes ou des aspects mémoriels.
En fait Arthur est la suite de Traffic donc je n'ai fait que réutiliser les routines de
base créées pour l'affichage, les déplacements et les interactions avec une
introduction de paramètres aléatoires. Il y a des
principes que l'on a retrouvé dans les livres dont on est le héros. J'ai fait ce que j'ai pu aussi avec les possibilités
graphiques qui étaient quand même limitées.
J'ai
parcouru les échanges que vous avez eu pour déplomber Arthur, beau travail et
superbe persévérance. J'ai vu que quelqu'un disait qu'Arthur était programmé
dans un grand bazar, en fait il faut savoir que j'ai récupéré une partie de la
programmation de Traffic (routines d'affichage, de déplacement, générateur
aléatoire, interactions entre objets, etc..) en conservant des parties qui
avaient un lien avec des adresses fixes, sans les réécrire.
Sinon je n'ai
pas utilisé de compilateur mais j'ai écrit les programmes instruction après
instruction.
[Blood] On peut voir des similitudes avec Mazogs, vous
confirmez l'influence ?
[Michel Bouat] Je connaissais Mazogs et j'y
avais joué à l'époque et il avait été sans doute une source d'inspiration
plus pour Arthur que pour Traffic, mais rendons à César ce qui lui appartient. La cassette de Mazogs avait été achetée en Angleterre par mon
voisin de l'époque dont je vous ai parlé.
[Blood] Donc Traffic, Arthur puis plus rien. Vous ne vouliez
plus faire de jeux. ?
[Michel Bouat] Disons que je ne voulais plus m'emmerder avec une
bécane comme le ZX81 où à chaque plantage dans la programmation il fallait
recharger à partir du magnétophone, en plus j'avais une famille avec trois
enfants et un boulot qui me prenait 55 minutes de déplacement aller/retour entre le Pecq
et la rue de Messine. Après j'ai
montré quelques jeux à mes enfants sur un Atari...
[Blood] Ce qui est tout à fait entendable. Donc finalement,
il n'y a pas eu de jeux en cours de projet ? Vous avez juste tourné la page ?
[Michel Bouat] Absolument
[Blood] Et avec le recul, y a-t-il des aspects du ZX81.dont
vous gardez un bon souvenir ?
[Michel Bouat] La possibilité de le pousser grâce au langage machine. Un peu comme
certains actuellement qui bricolent et programment des petits robots.
[Blood] Aujourd'hui, vous êtes à la retraite. Y a-t-il un
projet dont vous souhaitez parler ?
[Michel Bouat] J'en profite pour peindre par périodes, organiser des
voyages avec mon épouse et des amis.
[Blood] Un petit mot pour ceux qui ont joués à vos jeux et
pour le groupe Facebook ZX81 France, dernier bastion des aficionados français
du ZX81 ?
[Michel Bouat] J'espère qu'ils y ont pris beaucoup de plaisir à y
jouer comme moi j'en ai eu à les programmer. J'ai trouvé un site où l'on trouve
Traffic on line sur lequel on peut jouer mais pas Arthur ou alors à travers un
émulateur peut-être qui permettrait à tous de le redécouvrir.
[Blood] C'est noté, j'en profite pour préciser qu'Arthur a été dumpé pour la première fois
il y a juste quelque mois donc je pense que c'est la raison pour laquelle il n'est
pas encore proposé sur ce format.
[Michel Bouat] J'avoue que ce n'est que récemment que je suis tombé
par hasard sur des sites comme le votre. Bon courage et félicitations pour votre action à
faire revivre ces machines et ces programmes.
[Blood] Merci bien.
Interview réalisée par Blood le 3 Décembre 2018 pour le Blog Arkalys Project. Encore merci à Michel Bouat pour son travail et pour avoir eu la gentillesse et la
patience de m'accorder cette interview.
Salut! Je viens de découvrir ton blog il y a quelque jours. A la base, j'étais en train de chercher des informations sur le jeux de rôle français que le CRPG Addict avait loupé. Faial (s'il existe pour de vrai), Sapiens, Phalsberg, Oméga entre autres... j'attends de te lire et d'écouter tes vidéos!
RépondreSupprimerMais... Tiens, tu habites à Nantes? Moi aussi! Rendez-vous?
Salut, Faial existe en vrai, je confirme même si la version d'origine semble être la version apple II aujourd'hui introuvable :(
RépondreSupprimerOn peut se voir sans problème, oui, tu peux me trouver sous facebook sous le nom de chris morlock et on organisera ça depuis messenger :)